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LE TOUR DE BRETAGNE INDIQUE LE COUREUR QUE TU SERAS

Le Tour de Bretagne – anciennement Ruban Granitier Breton – a souvent permis de lire dans les entrailles des futurs champions et de comprendre quels types de coureurs deviendraient par la suite les Alberto Contador, Greg LeMond, Julian Alaphilippe, Evgeni Berzin, Thomas Voeckler, etc. Sauf un pour lequel on ne saura hélas jamais…

Affirmer qu’un coureur s’est révélé sur telle épreuve est un poncif que la chronique sportive ressert souvent, parfois de manière inappropriée. Un connaisseur du cyclisme madrilène rirait bien à entendre qu’Alberto Contador s’est révélé sur le Ruban Granitier Breton en 2002 alors que, membre du Real Velo Club Portillo, deux ans plus tôt dans la catégorie junior, il était surnommé « Pantani » pour ses accélérations foudroyantes en côte. Mais il s’est bien fait connaître à l’international sur les routes bretonnes en terminant deuxième du prologue à Concarneau (derrière Martial Locatelli), portant successivement tous les maillots distinctifs dont celui de leader du classement général avant de se contenter, sous les coups de boutoirs coordonnés de coureurs français expérimentés, du titre de meilleur jeune (9e au final) à Dinan, où l’on avait bien vu qu’il grimpait ! Cela reste la première performance hors d’Espagne du vainqueur des Tour de France 2007 et 2009.
Greg LeMond était le champion du monde junior, titre obtenu l’année précédente en Argentine, et venait de gagner le Circuit de la Sarthe quand il termina deuxième de l’étape de Lannion en 1980. Mais le monde du cyclisme a vraiment su le lendemain de quel bois se chauffait l’Américain. Attaqué par les Russes et le futur vainqueur final italien Giorgio Casati, il vit sa contre-attaque anéantie par une crevaison. Dépanné par la voiture suiveuse de l’équipe de Belgique, il invectiva son propre directeur sportif, pour son absence coupable, avant d’abandonner devant le panneau d’un lieu-dit « La Maison Blanche ». La légende du vainqueur des Tour de France 1986, 1989 et 1990, tempérament de feu, auteur d’une carrière en dents de scie, était en marche !
Les parcours bretons sont à l’évidence plus propices à l’expression des baroudeurs que des purs grimpeurs. C’est pourquoi on retrouve dans les archives plutôt placés que gagnants les noms de Jean-René Bernaudeau, Ronan Pensec, Erik Breukink, Eric Boyer, Pascal Lino, Richard Virenque, Andreas Klöden, Christian Vande Velde, Denis Menchov et, plus récemment, Adam Yates, qui ont ensuite terminé dans les cinq premiers du Tour de France. Le Tour de Bretagne étant l’une des épreuves les plus longues (7 étapes, toujours du 25 avril au 1er mai) de la catégorie des compétitions de l’antichambre du plus haut niveau, il permet de cerner les coureurs capables d’enchaîner les jours de course, de bien récupérer donc, à l’image d’Evgeni Berzin, sixième et dernier vainqueur russe du Ruban Granitier Breton (ses prédécesseurs défendaient les couleurs de l’Union Soviétique), en 1992, deux ans avant son triomphe au Giro devant Miguel Indurain et Marco Pantani.

Des cyclistes se révèlent partout dans le monde, sur tout type de terrains, parfois sans lendemain, mais l’épreuve bretonne a ceci de particulier, par ses caractéristiques techniques et son positionnement au calendrier, entre l’enflamme du début de saison et les tubes de l’été, qu’elle opère un tri entre les coureurs qui ont seulement de la classe et ceux qui ont aussi de la caisse. Sans limite d’âge, elle offre, entre rivaux de la même génération, un indicateur de celui qui passera le cap suivant parce qu’il ne domine pas seulement des coureurs de sa catégorie (u23) mais aussi des plus aguerris. Si le Tour de l’Avenir a permis de savoir que John Degenkolb serait un grand sprinter, le Tour de Bretagne 2010 l’a classé comme routier-sprinter. À Mauron, il était patent qu’il allait vite, mais le lendemain, au Huelgoat, il s’est positionné comme le futur vainqueur de classiques qu’il est effectivement devenu (Milan-San Remo, Paris-Roubaix).
L’archétype du coureur « révélé » par le Tour de Bretagne, c’est Thomas Voeckler. Il a décroché à Perros-Guirec sa première victoire internationale, après déclassement pour sprint irrégulier de son compagnon d’échappée Stéphane Pétilleau. Accrocheur, c’était clair qu’il irait loin. Le calque entre les performances en Bretagne et le destin du champion est encore plus frappant dans le cas de Julian Alaphilippe : il sortait d’une année pratiquement sans vélo, cartilage abîmé, quand il a terminé 5e à Mûr-de-Bretagne, à 20 ans, en 2012, et l’on se souvient plus encore de sa victoire à Fougères, au sommet de la Pinterie, l’année suivante. Le meilleur puncheur du monde aujourd’hui, précédemment adepte du cyclo-cross, est « né » comme routier au Tour de Bretagne.
L’édition 2016 avait atteint un pinacle avec la victoire finale d’un coureur de 19 ans, tout juste issu des rangs juniors : Adrien Costa. Ouvert à Lannion puis confirmé par une troisième place au Tour de l’Avenir (1er David Gaudu, 4e Egan Bernal), son palmarès s’est hélas refermé un an plus tard. Atteint d’une mononucléose puis d’un burnout, il a mis sa carrière sur pause. Elle ne reprendra plus son cours puisque, victime d’un accident en montagne le 29 juillet 2018, il a dû être amputé d’une jambe. On ne saura donc jamais si le cinquantième lauréat (et premier Américain) aurait pu devenir le plus grand de tous.

Jean-François Quénet

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